I racconti del Premio Energheia Europa

Fragment de carnet, Embla Fautra

Récit finaliste du Prix Energheia France 2020.

Ce matin-là, elle est en retard. Elle est sortie de sa douche à l’heure à laquelle elle doit partir. C’est donc avec vingt minutes de retard qu’elle se rend au métro. En chemin, elle se fait presque écraser par une voiture car elle ne pense qu’à rattraper son retard.

Un retard. 

Un simple retard.

Se faire écraser pour rattraper un retard n’est peut-être pas la meilleure idée. Mais c’est Paris. C’est comme ça à Paris. On court partout. Tout le monde est en retard. On traverse entre les voitures roulantes. 

C’est comme ça à Paris. 

Tout le monde court partout.

A ce moment-là elle n’est pas vraiment à Paris. Elle est à quelques mètre de la limite parisienne. La rue d’après est à Paris. Elle est à Aubervilliers. Derrière le périphérique. Là où certaines personnes disent que c’est dangereux.

La banlieue.

Le 9.3. 

Ça craint. 

Elle a failli se faire écraser, non pas parce que c’est dangereux ici, mais parce qu’elle ne fait pas attention. Demandez-lui si elle pense que la banlieue est dangereuse.

Elle veut juste rattraper son retard.

Un simple retard.

Cette fois-ci, comme à chaque fois, elle échappe au drame.

En arrivant sur le quai du métro un calme s’installe. Toutes les personnes sur le quai sont sûrement pressées. Car tout le monde est pressé à Paris. Mais sur le quai du métro tout devient calme.

Comme si le temps s’arrête.

Deux minutes. C’est très court et on ne peut rien y faire. On peut juste attendre. (Et c’est ce qu’elle fait.)

Elle connait très bien cette station de métro et ses yeux se posent toujours sur la même pub qui est là.

Satané pub.

C’est la même pub depuis un mois. Ou plus. Elle se trouve au niveau de la deuxième porte du deuxième wagon du métro. Là où Elinea attend son métro tous les matins avant d’aller en cours. Son regard se perd souvent dans cette pub. Elle lit l’affiche tous les jours. Tous les jours sans exception. Et pourtant, elle ne la connait toujours pas par cœur. Peut-être parce que son regard se perd à chaque fois.

Dans ce temps de pause, un bruit retentit. Elle revient à la raison et entend le bruit du métro qui arrivent.

3.. 2.. 1.. Le métro arrive à quai. Elle n’a même plus besoin de lever les yeux pour savoir qu’il est là. Puis elle le regarde rouler doucement et s’arrêter.

Quelqu’un dans le métro ouvre la deuxième porte du deuxième wagon pour descendre.

Elle rentre. Ça sent l’humain. Il fait humide. Une vraie mine de bactérie. C’est vivant. Pourtant le métro est un objet roulant, inanimé, de la nature morte. Mais c’est vivant. Et pour une fois le métro n’est pas trop bondé. Les carrés de quatre personnes sont tous pris mais il reste une place vide sur un strapontin. Elle en profite pour s’assoir. Elle en profite pour sortir son petit carnet.

Un petit carnet fourre-tout.

Son carnet, elle l’a acheté l’année dernière en Suède. Elle l’aime beaucoup. Elle l’a trouvé dans une petite boutique d’Uppsala, sur drottnning gatan. Il est en velours d’un beau vert bouteille. Il y a un petit élastique qui permet de le maintenir fermer et ne pas perdre tout ce qu’elle y a mis depuis près d’un an. S’il est très beau de l’extérieur, à l’intérieur c’est un foutoir. Petit récits, dessins, doodles, tiquets de train ou de musée, to do list, tout y passe, elle y met tout et n’importe quoi. Beaucoup de n’importe quoi. Elle avait par exemple ramassé des feuilles de chêne orangé en automne dernier et les avait mis dans son carnet. Un vrai fourre-tout. Elle relit sa dernière note : « 9h30, salle 213 ».

Elle a un atelier d’écriture avec un écrivain suédois. Harry. Elle se rappelle de lui, il est déjà venu quand elle était en licence. Elle était allée une fois à son atelier. Il avait demandé à la classe d’écrire quelque chose sur leur alter égo. Son alter égo. L’exercice était vague. Trop vague. Elle avait écrit 3 lignes. Cette fois-ci elle n’a pas le choix que d’y aller. C’est obligatoire pour son master.

Quand elle arrive enfin Harry est au bureau et parle. De quoi ? Aucune idée. Mais il parle. Elle va s’assoir discrètement au fond à coter de F. Elle lui demande de quoi il parle mais elle ne sait pas. Aucune idée. L’heure de faire l’exercice arrive.

Harry demande aux étudiants d’écrire quelque chose dans leur carnet. Une liste de course, un état d’esprit, une pensé, un dessin. Elinea prend alors son carnet. Elle n’a aucune idée de ce que qu’elle va écrire. Elle écrit deux ou trois phrases puis les rayent. Elle recommence et rayent encore des phrases. Le temps passe et son esprit se perd. Elle n’est plus avec nous. Elle divague dans un autre monde. Celui dans lequel elle a acheté son carnet. Ce beau pays maintenant lointain.

Mais rapidement son esprit lui revient quand une certaine Elsa est invitée à venir devant la classe. Elina la reconnait. Elle l’a déjà vu lors d’autres ateliers. Elle doit être là depuis longtemps. Elle doit savoir de quoi elle parle. Lors de l’interview avec Harry, les mots d’Elsa arrivent dans les oreilles d’Elinea et s’y incruste profondément. Ces mots lui parlent, elle se reconnait dans Elsa. Elle aussi a des brides de textes, des fragments de phrase, des mots et elle ne sait pas quoi en faire. Et elle aussi n’arrive pas à finir ses textes. Mais Elsa a finalement réussi à finir un texte. Ça lui a pris du temps mais elle l’a fait. Elle a grandi en même temps que son texte. Peut-être qu’Elinea y arrivera aussi. Un jour, peut-être. Ce qui est certains c’est que les mots d’Elsa se sont accrochés dans son esprit.

Encore une fois, son esprit divague à nouveau.

Encore une fois, elle n’est plus avec nous

Brides du carnets :

Elle touche alors le sol.

Ce sol-là, elle l’a souvent touché mais cette fois-ci c’est complètement différent. Pourtant, elle a été ici des centaines de fois. Deux fois par ans depuis qu’elle est née. A chaque fois elle y va avec sa mère et elles repartent ensemble. Elles y restent une semaine ou deux. Il est même arrivé qu’elles y restent un mois. Donc ce sol n’est absolument pas nouveau pour elle.

Mais cette fois-ci c’est différent.

Complètement différent.

    Elle y va pour un an. Elle est venue toute seule et elle ne sait pas quand, ni comment elle rentre. Si elle rentre.

    Même si elle connaît bien le lieu, quand elle pose un pied en dehors de l’avion un sentiment complètement nouveau l’envahit. Son cœur s’emballe. Ses yeux s’écarquillent. Une fougue l’enivre. Tel une enfant de dix ans, elle veut crier, courir, sauter. Pourtant elle a vingt ans. 

Vingt ans. Et enfin elle quitte le foyer familial.

Vingt ans. Et elle va enfin vivre seule. Plus de règle, plus de liberté. 

Elle part pour une nouvelle vie. Seul. A l’aventure.

 

 

Quand elle arrive dans le hall d’arriver

 

elle n’est pas étonnée d’arriver dans le hall de départ. Elle sait exactement où elle va mais elle regarde quand même les moindres détails.

 

 

 

 

 

Un jour elle prend le temps de repenser à sa vie parisienne. Sa conclusion : Paris ne lui manque absolument. Rien. Ses amis ne lui manquent pas, le métro ne lui manque pas, ses cours ne lui manque pas. Rien.

Et s’il y a bien quelque chose qu’elle ne veut absolument pas revoir c’est bien le parc du Luxembourg. Elle ne l’aime vraiment pas. Mais vraiment pas du tout. Pour certaines personne le jardin du Luxembourg est exceptionnel. C’est le cas de son professeur de littérature suédoise Michel Gonglat. Il a travaillé sur les artistes suédois lors de leur arriver dans le jardin. Un sujet qu’elle trouve vraiment ennuyant. Il en a même fait un livre. Oui, un livre dans lequel il a compilé des textes de ces artistes. Vraiment inintéressant. Un livre qu’Elinea ne lira jamais.

Elle se rappelle d’un jour où elle est passé par le jardin du luxembourg. Elle allait à port royal pour prendre un verre. Le ciel était couvert d’un ciel violement gris. Elle savait qu’elle devait avancer rapidement si elle ne voulait pas se prendre la masse d’eau qui aller tomber. Elle marchait vite. Très vite. Mais d’un coup elle s’arrêta. Elle tomba nez à nez avec une statue. Sur le panneau on pouvait lire « L’hiver par Michel Anguier ». Elle trouvait cette statue si laide. Vraiment laide. Et quel était le rapport avec l’hivers ? C’est une statue grecque en pierre d’une femme couvert d’un simple voile. Elle essaye de comprendre ce que cette statue à d’originale. « Aller, elle a bien un truc cette statue ? » La seule chose qu’elle trouve à dire c’est que cette statue est moche, laide, hideuse. Et la trouve si affreuse mais pourtant elle reste planter là devant. Elle ne bouge pas. Comme si cette affreuse statue lui avait voler son âme. Elle n’a aucune raison de rester devant cette statue mais pourtant elle est là. Elle reste devant. Elle ne bouge pas. Elle ne fait que de la fixer. Elle ne se rend même pas compte que le ciel change de couleur. Le ciel se couvre d’une puissance qu’il n’y a presque plus de lumière dans le parc. Elle ne s’en rend pas compte. Elle reste là, à fixer la statue. Elle ne se rend pas non plus compte que la foule s’est dissipé pour se mettre à l’abris. Il n’y a plus de bruit. Elle est seule dans le parc silencieux face à une hideuse statue. Elle est complètement immobile. Personne ne sait ce quelle pense et pourquoi elle est là.

D’un coup une masse s’abat sur elle.

 

 

Elle passe dans la porte d’entré au bout du boulevard St Michel. Là où le boulevard s’arrête mais là où le bruit continue. A l’entré, un viel homme aveugle joue de l’accordéon. Elle trouve ça si cliché. Un joli parc parisien avec une musique d’accordéon. Si cliché. Il y a un brouhaha constant dans ce parc. C’est insupportable. Ce jour elle y passe même si elle n’a pas vraiment envie d’y être. Mais elle ne fait que de passer

 

 

Homme aveugle dit un truc

Pierre nul au parc du Luxembourg =/ belle pierre runique uppsala

 

 

 

 

Hon sprang ut ur vägen,

Stutar pâ helvetet,

Kutar in i paradiset,

Nu är hon fri.

Inte dom hon känner,

De fâr ett helvetes liv.

Men get gör ignenting,

För nu är hon fri.